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Notre planète peut-elle supporter 1,5 milliards de nouveaux smartphones chaque année ?

Chaque année depuis 2015, 1 milliard et demi de nouveaux smartphones arrivent sur le marché. Oui, je sais, ce ne sont pas tous des iPhones mais comme Apple s’est montré plus agressif récemment avec ses objectifs environnementaux, dans cette vidéo j’ai voulu découvrir tout ce qu’il faut pour fabriquer un iPhone et voir si notre planète peut supporter autant de nouveaux smartphones. Ou pas. Allez, dessinons!

Bonjour, c’est Alexandre. Si vous êtes comme moi et que vous appréciez un peu de rigueur dans vos analyses, plutôt que de regarder plein de trucs en espérant ne rien avoir oublié à la fin, alors celle-là va vous plaire. Regardons un iPhone en utilisant ces 4 conditions faisant l’objet d’un consensus scientifique depuis 30 ans pour voir à quoi un iPhone doit se conformer pour être complètement durable: nous allons regarder ce qui est extrait de la croûte terrestre, les substances créées par la société, ce qui dégrade physiquement notre environnement et finalement les conditions sociales.

Tout d’abord, voyons comment un iPhone contribue à systématiquement augmenter la concentration des substances extraites de la croûte terrestre.

Pour fabriquer un iPhone, il faut miner plein de matières, parmi elles: de l’or, de l’argent, du cuivre, de l’étain, du tungstène, du tantale, du silicone, de l’indium, du gallium, de l’arsenic, du bore, du phosphore, de l’antimoine, du cobalt et aussi des terres rares comme du Terbium, de l’yttrium, du gadolinium, de l’europium, du néodyme et du praséodyme. Et oui, il faut tous les extraire de la croûte terrestre. Mais ce sont les concentrations qui nous intéressent ici. Et ces matières ne sont pas toutes égales dans la nature. Le silicone, par exemple, est le plus abondant de tous dans la croûte terrestre et les flux naturels par le biais de l’activité volcanique et de l’érosion sont très importants. Donc même si on extrait de grosses quantités de silicone pour nos appareils électroniques (vous avez certainement entendu parler de la silicon valley), nous n’augmentons pas systématiquement sa concentration dans la nature. Excellente nouvelle ! Le cuivre, l’argent, l’antimoine et le phosphore, en revanche, sont extraits si rapidement qu’ils s’accumulent dans la nature et constituent des problèmes majeurs. L’étain a été partiellement adressé dans le iPhone 11.

Le carbone est également un problème. Principalement sous la forme de dioxide de carbone et de méthane. Votre iPhone joue un rôle là-dedans à cause de l’énergie qu’il faut pour le fabriquer et pour l’utiliser. Lorsque l’énergie est issue des carburants fossiles comme le pétrole, le charbon ou le gaz naturel, elle contribue à l’augmentation systématique de la concentration de carbone dans l’atmosphère, ce qui contribue au réchauffement climatique. Le rapport environnemental de l’iPhone 11 affirme que l’assemblage final est effectué à 100% avec de l’énergie renouvelable (en utilisant de l’énergie hydroélectrique). Super ! Mais qu’en est-il de l’énergie pour extraire les minéraux et pour créer les différents composants avant assemblage ? Revenons à notre silicone qui ne présentait pas de problème quant à sa concentration: il est fabriqué en chauffant du quartz dans un fourneau industriel à 2000°C et il faut 10 à12 MWh pour créer une tonne de silicone. La Chine est le principal producteur de silicone et 65% de l’énergie chinoise vient du charbon, qui, quand on le brule, libère d’importantes quantités de carbone dans l’atmosphère et contribue au réchauffement climatique.

Il y a également beaucoup d’aluminium dans un iPhone. Comme pour le silicone, ce n’est pas la concentration d’aluminium qui pose problème, mais l’énergie qu’il faut pour l’extraire et pour le transformer.

Toutes les matières utilisées dans votre iPhone ont un coût énergétique.

Le carbone est également utilisé pour fabriquer les pièces en plastique dans le smartphone. Nous en reparlerons tout à l’heure dans notre troisième condition.

Pour que votre iPhone ne contribue pas à l’augmentation systématique de la concentration des substances extraites de la croûte terrestre:
• il faut que tous les matières soient conservées en boucle technique pour qu’elles ne s’accumulent pas dans la nature
• et il faut qu’elles soient toutes produites avec de l’énergie ne provenant jamais de la combustion de carburants fossiles pendant tout le cycle de vie.

C’est bon, vous êtes toujours là ? Maintenant, regardons comment notre iPhone contribue à l’augmentation systématique de la concentration des substances produites par la société.

En terme d’émissions de gaz à effet de serre, le rapport environnemental du iPhone 11 affirme qu’il crée 72 kg de CO2 pendant tout son cycle de vie: 79% pour la production, 3% pour le transport et 17% pour son utilisation. Même si cela n’a pas l’air énorme, il faudrait que ce soit 0 ou négatif pour se conformer à notre deuxième condition. Cela serait possible en compensant les émissions de carbone (ce qu’Apple commence à faire) tant que la production d’énergie est conforme à notre première condition, c’est-à-dire pas de combustibles fossiles. Vous voyez, sans la première condition, on pourrait être durable juste avec des compensations de carbone mais en réalité, c’est impossible. La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez vous charger des 17% restant en utilisant seulement de l’énergie issue de l’hydroélectricité, de l’éolien ou du solaire pour charger l’appareil car, selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ce sont les technologies qui émettent le moins de carbone.

Une autre raison pour laquelle l’iPhone produit des substances plus rapidement que ce que la nature peut supporter est l’extraction des minéraux, en particulier les terres rares mentionnées plus tôt et utilisées dans l’écran et dans les aimants du haut-parleur. Bien souvent, il faut beaucoup d’acide et de produits toxiques pour extraire ces matières de leur environnement et en isoler seulement 1% ou moins. Les 99% restants sont rejetés dans la nature, et en faisant cela encore et encore, notre iPhone contribue à l’augmentation systématique de la concentration des substances produites par la société.

Comment éviter cela ? En nettoyant et en le faisant suffisamment lentement pour que la nature ait le temps de se renouveler et de s’auto-nettoyer pour éviter l’accumulation de produits chimiques créé par l’homme. On peut également utiliser des terres rares déjà extraites, ce qu’Apple a commencé à faire: le rapport environnemental du iPhone 11 indique que le moteur taptique est fabriqué avec 100% de terres rares recyclées. Même si cela représente seulement 25% des terres rares utilisées dans le produit final, c’est certainement un pas dans la bonne direction.

La nature peut prendre des milliers d’années pour digérer le plastique donc les pièces en plastique doivent être recyclées à 100% pour ne pas s’accumuler dans la nature.

Pffff! C’est compliqué, hein! Eh oui, je sais. Mais si on veut fabriquer et utiliser des produits aussi compliqués, à mon avis, il faut savoir le faire correctement.

Maintenant, regardons comment un iPhone contribue à systématiquement degrader la nature par des moyens physiques.

Tous les sites d’extraction mentionnés précédemment sont dans cette catégorie. Les animaux et les écosystèmes sont au mieux perturbés, au pire détruits par les procédés utilisés. Pour éviter cela, on doit s’assurer qu’ils soient gardés propres, non contaminés et qu’ils soient restaurés une fois les éléments extraits.

Pour respecter cette condition, il faut également s’assurer que notre iPhone n’atterrisse pas dans une décharge où il pourrait détériorer l’écosystème local et éventuellement contaminer les nappes phréatiques.

Même s’il cela ne fait pas objet d’un consensus, des scientifiques ont suggéré que les ondes des téléphones cellulaires pourraient avoir un impact sur les abeilles et les oiseaux. Par mesure de precaution, il faudrait donc vérifier que nos iPhones ne dégradent pas la nature de cette façon. Il y a également la question des fibres utilisées pour l’emballage mais on va se concentrer seulement sur le téléphone aujourd’hui.

Finalement, comment notre iPhone contribue-t-il à créer des conditions qui empêchent systématiquement les individus de pouvoir répondre à leurs besoins?

Pour en finir avec l’extraction des matières, c’est ici que l’on parle des tristement célèbres minéraux des conflits: l’étain, le tungstène, l’or et le tantale. L’extraction et la vente de ces minéraux a aidé à financer des groupes armés dans la république démocratique du Congo ainsi que dans d’autres endroits. Quelques euros de nos gadgets peuvent directement empêcher certains individus de pourvoir répondre à leurs besoins dans ces régions. Les entreprises américaines doivent déclarer la source de leurs minéraux des conflits et une nouvelle législation entrera en vigueur dans l’Union européenne le 1er janvier 2021. C’est certainement pourquoi Daisy (le robot de désassemblage d’Apple pour le iPhone) est conçue pour collecter et recycler ces 4 éléments, parmi d’autres.

La fabrication du iPhone expose-t-elle certaines personnes à des conditions de travail dangereuses ou à des salaires insuffisants pour répondre à leurs besoins de santé ? On sait qu’il peut être difficile de complètement contrôler les conditions de travail dans les endroits éloignés, particulièrement quand on traite avec autant de fournisseurs et de partenaires comme le fait Apple pour le iPhone.

Qu’en est-il de l’utilisation du smartphone tous les jours ? Est-ce l’utilisation prolongée de l’écran peut générer un phénomène de dépendance et contribuer à nous sentir moins bien mentalement ? 66% des utilisateurs de smartphone sont dépendants de leur téléphone d’après une étude publiée par Treadhunter.

Avez-vous parfois le sentiment d’être moins présent avec vos proches ? Encore une fois, je n’ai pas les réponses à toutes ces questions mais elles font certainement partie de l’analyse de durabilité du produit.

Alors, est-ce que notre planète peut supporter 1,5 milliard de nouveaux smartphones chaque année? Malheureusement, la réponse est “absolument pas !” Nous ne faisons que contribuer encore plus au réchauffement climatique et à puiser dans notre capital naturel plutôt que de vivre avec les intérêts. Et on n’est même pas sûrs qu’ils nous rendent plus heureux.

D’un point de vue purement développement durable, le problème n’est pas que nous faisons toutes ces choses une fois. C’est leur nature systématique qui fait que ces pratiques ne sont pas durables. Le fait que nous fabriquons ces produits par milliards et que toute notre société repose dessus.

Le monde aurait besoin de plus de 1000 robots Daisy pour recycler les 1,5 milliards de nouveaux smartphones vendus chaque année. Et comme Greenpeace l’a indiqué, Apple ne devrait-il pas plutôt se concentrer sur les étapes précédentes du cycle de vie, comme rendre les iPhones plus facilement réparables et évolutifs ? Peut-être qu’Apple devrait louer les smartphones plutôt que de les vendre et ainsi être responsable de tout leur cycle de vie. La question qui se pose en fin de compte c’est “Apple est-il prêt à vendre moins de téléphones pour bien faire ?”

Mais il y a quelque chose que nous pouvons tous faire: agir de façon responsable. Nous pouvons acheter un téléphone d’occasion, réparer celui qu’on a déjà et s’assurer que, lorsqu’il est vraiment arrivé à la fin de sa vie, il retourne chez Apple.

Si vous voulez que je fasse une analyse comme celle-ci pour un autre produit, une entreprise ou une industrie, merci de me l’indiquer dans les commentaires ci-dessous.

Merci d’avoir regardé cette vidéo jusqu’à la fin ! Si elle vous donne envie de l’aimer ou de vous abonner, allez-y ! Sinon, aucun problème. Vous pouvez également soutenir cette chaîne en faisant un don sur Patreon. Merci à tous ceux qui me soutiennent et qui rendent ces vidéos possibles. Merci de votre attention et je vous retrouve dans 2 ou 3 semaines.

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